weird is just a side effect of being awesome.

Quand j'ai mes pauses, j'ai tendance à ne pas forcément les garder pour moi-même. Et quand je suis à Robert Burns encore moins, j'ai pris l'habitude de visiter un patient adorable, toujours le même. Elliot Hawkins qui, d'après ce que j'ai entendu n'avait pas encore fait acte de présence au réfectoire. Je suis censée aller manger de mon côté mais ça m'embête quand même de savoir qu'il n'est pas allé se nourrir, ce n'est pas tant dans ses habitudes de sauter les repas, il devait forcément y avoir une raison. Déjà, le point positif, c'est que personne n'a débarqué dans sa chambre pour l'en extirper de force comme ils le font parfois avec certains. J'ai décidé d'aller voir par moi-même ce qui se passait avec ce patient.

A peine eu-je le temps d'arriver à la porte de sa chambre que cette dernière s'est ouverte brutalement sur un blondinet qui avait l'air tout joyeux. Mais quand il m'a vue, toute joie s'est immédiatement évaporée de son visage qui prit alors une mine bien boudeuse qui me disait bien que ce n'était pas moi qu'il attendait si impatiemment. Et ses mots m'affirmèrent la chose. Encore une fois, le jeune homme attendait après ses parents en pensant que ces derniers allaient venir le chercher. Bien sûr je ne me sentais pas vexée de sa bouderie, je pouvais comprendre au moins un peu qu'il ne soit pas ravi de me voir en sachant qu'il attendait sa mère et son père. Malheureusement, je ne suis pas convaincue qu'il aura un jour le droit à un retour miraculeux de la part de ses parents qui l'ont confié au centre sans donner de date de départ. Mais bien sûr je n'en dis rien, personne n'en dis rien, le but n'est pas de le démoraliser. Je ne suis pas certaine qu'il puisse comprendre. Ou du moins, qu'il puisse le supporter.

Quand j'ai jeté un regard à l'état de sa chambre, le boxon qu'il avait mis m'a sauté aux yeux. L'intégralité de ses affaires était éparpillée sur son lit et sur le sol tout autour. Effectivement, il avait bien prévu son départ, mais les responsables de l'ordre n'allaient pas être très contents de voir tous ce bazar à ramasser. Je craignais un peu qu'ils finissent par lui confisquer certaines choses s'il ne maintient pas sa chambre en ordre. C'est bien quelque chose qui pourrait arriver et ça serait terrible.
Pour l'instant je ne disais rien, je ne faisais que l'écouter et le regarder. Il soutenait qu'il n'avait pas faim alors que son ventre était actuellement en train de crier famine et il marchait sur ses affaires sans s'en inquiéter, pas le moins du monde même. Je voyais qu'il retrouvait quelque peu le sourire en parlant de sa famille et ça me faisait un peu de peine pour lui. Les faux espoirs c'est bien quelque chose d'horrible. Bien sûr je ne le montrais pas. Il ne faut jamais se montrer affecté face aux patients, parfois il faut savoir garder les choses pour soi-même et faire comme si de rien n'était.
Lorsqu'il est venu m'enlacer je lui ai rendu son étreinte. Je ne sais pas vraiment ce que j'aurais pu faire d'autre, je me voyais mal le repousser. Dans sa tête il n'est qu'un jeune enfant, il ne mérite pas d'être rejeté. Il n'a rien fait qui justifie ça et moi je l'aime bien. Même s'il faut dire que ça fait bizarre d'être serrée entre les bras d'un jeune homme qui n'en est pas un mentalement. Du moins, j'ai fini par m'y faire un peu mais je dois dire qu'au tout début j'ai trouvé ça vraiment déroutant, j'étais même un peu mal à l'aise. Maintenant ça va impeccable, j'ai dépassé le stade de la timidité et de l'incompréhension. Chaque jour j'acquiers un peu plus d'expérience après tout. Et même si je ne suis pas censée être aussi proche de mes patients, je n'ai pas le cœur à les obliger à prendre de la distance quand c'est aussi innocent que les câlins d'Elliot.

« Dis-moi mon grand, t'es sûr que t'as pas faim ? Tu me mentirais pas ? Même un tout petit peu ? »

Doucement, je me suis détachée de lui pour regarder son visage qui était un peu plus haut que le mien. J'avais une moue collée aux lèvres alors je le regardais. Je lui posais la question même si je connaissais la vérité. C'était pas difficile à voir que je le savais mais je le poussais un peu à me dire ce qui était vrai et à ne pas me mentir. Un petit mensonge de rien du tout peut conduire à des cachotteries bien plus grandes et j'aimerais le savoir si jamais un jour il lui arrive quelque chose ou qu'il ne va pas bien. Certains s'en soucient absolument pas mais moi si, j'y tiens. Je prends mon rôle très à cœur et je veux faire de mon mieux pour le bien être des malades.

« Tu sais, je ne pense pas que ta famille va venir aujourd'hui, un bébé ça met très longtemps à venir et les maisons aussi c'est long pour faire des travaux. Tu ne voudrais pas tomber malade, n'est-ce pas ? Personne ne serait très content de te voir devenir tout maigre le jour où on va venir te chercher. Il faut que tu manges, d'accord ? »

Je lui parlais gentiment tout en essayant de le convaincre. En plus il a vraiment faim et j'ai pas envie qu'il s'affame pour rien. Alors bon, je ne suis pas certaine qu'il va m'écouter mais je peux toujours tenter, hein !