Il est sombre le couloir de la mort, il est sombre le couloir de ton désespoir. Il est écrit en toute lettre que tu ne sortiras jamais d'ici, que jamais tu n'arriveras à vivre, que jamais on ne fera de toi quelqu'un de normal. Il est marqué sur les murs de briques que la vie prend fin ici. Alors c'est ça que ressentent les prisonniers, c'est ça que ressentent ceux qui sont bloqués, ceux qui sont finis, ceux qui sont dans l'attente de la mort ? Toi aussi tu l'attends en quelques sortes, tu attends qu'elle vienne te faucher, tu attends qu'elle prenne ton âme, tu attends qu'elle veuille bien de toi mais la mort est capricieuse, la mort est maligne, elle le fait exprès de faire attendre. Elle se fait languir, désirer, elle se fait attendre comme le messie et quelque part, elle l'est. Elle est une délivrance comme une autre, celle que certains attendent alors que d'autres la refusent. Toi tu ne sais pas, tu attends. Tu attends de voir ce qui a se passer, tu attends de voir ce qu'on te réserve mais ton sort n'est-il pas déjà tout écrit ? N'est-il pas tout dit, ton destin tout tracé ? Tu passeras tes jours ici entre médicament et isolation, tu passeras ta vie à parler de tes problèmes, ce dont tu ne te souviens pas parce que tu ne les as pas écris, ceux qu'on te rappellera mais qui ne te diront rien.  tu ne fais pas exprès d'oublier mais quelque part c'est bien de ne pas se souvenir de la douleur parce que quand elle revient elle est encore plus forte, elle est comme la première fois, comme si tu n'avais jamais eu mal et là tu te dis alors "alors c'est ça que j'ai ressenti, la première fois ?" c'est comme un souvenir qui te revient, un douloureux souvenir qui tiraille ton corps. C'est quelque chose que tu apprécies, quelque chose qui ne t'échappe plus. Oublier. On te reproche de le faire trop souvent, de jouer sur ton handicape que tu essayes de cacher, que tu ne veux dire à personne. Mais ce n'est pas de ta faute si tu oublies de ne pas oublier. C'est drôle, mais tu dois te souvenir de toute une journée, tu dois tout écrire pour demain ne plus t'en souvenir, alors il y a des choses qui t'échappent, il y a des choses que tu n'oses simplement pas écrire parce qu'elles font mal, parce qu'elles sont douloureuses, parce que putain au final tu fais le fort mais tu n'es qu'un faible, tu fais celui qui veut connaitre la douleur mais si tu pouvais l'oublier ce serait tellement plus facile, tellement plus simple, ce serait tellement... Parfait ? Mais la perfection ce n'est rien, la perfection n'existe pas, la perfection... La perfection. Ce n'est qu'un mot, ce n'est qu'une définition, la perfection ce n'est qu'un problème comme un autre. Un problème que personne ne saura jamais réglé. Peut-être qu'il en est mieux ainsi, d'ailleurs ?

Les couloirs sont vides, ils sont toujours vides, toujours u peu fatigants, toujours un peu long, comme si on en voyait jamais la fin. On ne croise jamais personne dans les couloirs, ce sont des endroits où l'on se contente de passer, de faire un tour, de s'échapper, de courir, de fuir. Mais toi t'y flânes un peu, tu y restes, tu attends on ne sait quoi. Tu t'assois des fois sur les marches en attendant, tu t'assois et tu regardes devant toi, les yeux vide, la tête vide, le corps vide. Mais pas cette fois, tu ne fais que marcher sans but précis. Sans but jusqu'à ce que sorte une tête. Une tete que tu connais plutôt bien. Une tête qui te fait sourire parce que tu sais qui c'est. Tu as relu tes cahiers, avant de te lever, tu te souviens avoir vu sa tête collés dans un des cahiers que tu remplis de tes souvenirs, alors tu t'es approché de lui, tu t'es approché en souriant comme un enfant,  tu t'es approché et t'as brandis un appareil photo, ton polaroid, celui que tu traines toujours avec toi pour immortaliser tes souvenirs. « Souris. » Que tu dis sans plus le prévenir alors que tu appuies sur le bouton pour déclencher la photo, ne lui laissant pas le temps de se faire à l'idée que tu puisses le prendre ainsi en photo, à la sauvage, sans son accord. Un léger bruit se laisse entendre, et tu récupères la photo qui vient de sortir, tu la secoues, tu attends quelques secondes avant de voir quelques lignes se dessiner. Il n'a pas l'air content, n'est-il pas habitué à tes clichés sauvages, à tes envies de souvenirs ? « T'as pas l'air trop mal sur celle-ci. » Dis-tu alors que tu observes le cliché s'éclaircir. Peut-être que finalement, les couloirs ne sont pas si ennuyeux, peut-être que finalement, tu as trouvé de quoi t'occuper, t'amuser, un ami avec qui discuter. Tu lui tends le cliché. « Tu le veux ? Cadeau. » Cadeau. Cadeau empoisonné, cadeau doux, cadeau passionné, cadeau du prisonnier.